FLA – Français Langue Amalgame?

[le « Billet du Président », Le Français dans le Monde, n° 425]

Un nouveau concept, et bien sûr le nouvel acronyme correspondant viennent de naître : après le FOS (Français sur Objectifs Spécifiques), le FOU (Français sur Objectifs Universitaires), le FLU (Français Langue Usuelle), le FLI (Français Langue d’Intégration), le FLSco (Français Langue de Scolarisation), un pays que je connais bien vient d’inventer le FLA – Français Langue d’Apprentissage – pour lequel on prévoit des plages horaires dans les programmes scolaires et des formations pour initier les enseignants qui les encadreront.

On n’a bien sûr rien contre ces distinctions, même si on peut craindre qu’en les multipliant, on risque d’étiqueter et de cloisonner exagérément des apprenants et des apprentissages, et spécialiser abusivement des enseignants et des enseignements. De toute manière, ces distinctions ont l’avantage de mettre en valeur un public et un objectif particuliers, et de stimuler la réflexion et les initiatives en leur faveur. Peu importe finalement le nom que l’on donne aux formations pourvu qu’elles se justifient pédagogiquement.

Or c’est bien ici que le Français Langue d’Apprentissage pose problème car c’est probablement moins pour des profits pédagogiques que pour des préoccupations politiques et budgétaires que l’institution concernée destine l’enseignement du FLA à la fois aux enfants et adolescents primo-arrivants, allophones donc, et aux apprenants qu’on appelle « vulnérables ». Les élèves vulnérables sont des enfants francophones qui, pour des causes diverses, éprouvent un retard, voire un décrochage scolaires, et notamment des problèmes de maîtrise du français.

Dans les deux cas, le but – louable – est bien le même : proposer une aide spécifique à des enfants en difficultés à suivre l’enseignement « normal »,  mais on doute qu’on puisse y arriver en confondant dans la même catégorie et en intégrant dans le même groupe des publics – allophones et francophones – aux profils, aux difficultés et aux besoins aussi différents. Pas besoin d’être spécialiste en matière de difficultés scolaires pour savoir qu’elles ne se limitent pas à la maîtrise de la langue, ni en matière d’apprentissage des langues étrangères pour savoir que le bilinguisme est plus un atout qu’un handicap.

Voir ainsi de nouveau ignorées les particularités de l’apprenant allophone rappelle l’époque où les enfants étrangers étaient aussitôt orientés vers les filières professionnelles parce qu’on les jugeait incapables de mener des études sous prétexte de leurs difficultés linguistiques pourtant passagères. C’est également un déni de la spécificité et de la spécialité de la didactique du FLE qui reste, pour certains, annexe ou inféodée à celle du français langue maternelle.

À l’éminent collègue didacticien du français langue maternelle qui me rétorquait finement que le participe passé s’accorde de la même manière en FLE qu’en FLM, je rappellerai que la pédagogie ne se définit pas par un objet mais par une pratique, celle de susciter l’acquisition de savoirs, de savoir-faire, de savoir-être en envisageant non seulement les caractéristiques de ces savoirs, mais tout autant celles des personnes à qui l’on s’adresse, leurs profils comme leurs projets.