Chères et chers président.e.s de commission,
Chères et chers ami.e.s,
Je suis à la fois très heureux de vous revoir et de vous adresser la parole aujourd’hui, mais aussi quelque peu ému, d’une part, parce que c’est une dernière fois, si pas la dernière que je vous parlerai à cœur ouvert, et d’autre part, parce que tout confirme que nous sommes, qu’on le veuille ou non, qu’on s’en réjouisse ou non, à un tournant de l’histoire de la FIPF.
La semaine dernière encore, je me préparais d’ailleurs à vous tenir un discours pathétique où je vous aurais dit qu’il est des occasions où l’on aurait préféré mille fois avoir eu tort! Où je vous aurais décrit que je me sentais comme le capitaine du Titanic, désespéré de n’avoir pas pu convaincre son équipage de changer de cap et de voir les passagers se réjouir entretemps que tout se passe bien à bord, inconscients du danger. Consterné que d’aucuns aient préféré « regarder ailleurs pendant que la maison brûle », comme avait dit Chirac, ou même forcer l’allure vers la catastrophe au lieu de chercher à l’éviter alors qu’il était encore temps. Un discours où je vous aurais de nouveau expliqué que nos partenaires ne participent aucunement à nos efforts pour sauver la FIPF, en l’aidant dans son fonctionnement, mais au contraire réclament d’elle plus de travail en lui concédant de moins en moins de moyens pour l’accomplir, et en s’ingérant de plus en plus dans sa gestion interne. Où je vous aurais dressé la liste de toutes les démarches que quelques-uns d’entre nous avons faites sans ménager nos efforts pour trouver d’autres financements, et qui se sont toutes révélées vaines jusqu’à ce jour. Où je vous aurais démontré chiffres à l’appui que la FIPF sera bientôt en cessation de paiement, qu’elle devra se passer bientôt d’un secrétaire général, probablement ensuite de son siège rue de Beauvais. Oui, je me préparais à vous tenir ce discours, la semaine dernière, et je me préparais à vous entendre de nouveau me répondre que j’ai tort d’être aussi pessimiste, que la FIPF en a connu d’autres, qu’on a beaucoup de réussites à mettre à notre actif au cours des cinq dernières années, comme au cours des cinquante qui viennent de s’écouler, etc. ! Et de conclure, comme lors nos réunions précédentes, que cela pourrait être pire, ce que j’aurais admis d’autant plus volontiers que ce ne sera bientôt plus à moi à en répondre. Voilà comment j’imaginais m’adresser à vous… la semaine dernière !
Mais il y a eu la réunion avec la nouvelle directrice de notre principal partenaire, vendredi dernier, le 19 février. Je ne dois pas vous rappeler que ce partenaire est le plus important contributeur financier de la FIPF, et que cette directrice est responsable des relations avec la FIPF, donc des crédits qu’on lui accorde. Bref, l’existence de notre Fédération dépend d’elle ! Cela ne vous aura pas échappé qu’elle a pris la peine d’insister à de nombreuses reprises qu’elle était « mandatée » par les plus hautes instances, de quoi nous impressionner dès le départ. Cette réunion, que Mme la Directrice a réclamée depuis son arrivée, n’était donc pas une simple prise de contact, un anodin échange de courtoisie, mais un véritable plan stratégique qu’elle voulait nous communiquer. Nous y étions préparés : je vous avais déjà rapporté des réunions difficiles avec nos partenaires auxquelles Marc et moi avons participé et qui ne faisaient qu’annoncer celle-ci. En bref, je résume la manœuvre que vous avez bien comprise : tout en nous promettant de continuer à nous soutenir, cet organisme profite de la situation de faiblesse de la FIPF – probablement incapable à leurs yeux de mener sa mission – pour en démanteler la structure et en dissoudre l’indépendance en prévoyant d’interagir de manière directe, décentralisée et transversale (combien de fois ces mots ont-ils été prononcés au cours de l’entretien ?!?) avec nos associations. Mme la Directrice et ses collaborateurs ont été clairs, malgré les exigences de la diplomatie : la seule chose qu’ils attendent maintenant de la FIPF, c’est l’accès à son réseau et à son carnet d’adresses. En économie, cela s’appelle une OPA. Ils garderont évidemment la vitrine de la FIPF, et l’un ou l’autre employé, avec l’approbation des autres partenaires.
Au cours de la même réunion, j’ai bien sûr été aussi attentif à tout ce qui s’y est dit, en particulier par vous toutes et tous qui êtes en prise directe avec notre réseau associatif, ses instigateurs, ses ambassadeurs. C’est avec plaisir que je vous ai entendus à tour de rôle faire état de toutes les activités qu’entreprennent ces associations de vos juridictions respectives, et cela malgré des circonstances très difficiles. Je peux m’en rendre compte aussi lors des tables rondes virtuelles que nous avons commencé à organiser avec leurs présidents. Ce dynamisme, cette efficacité, cette créativité sont tout à l’honneur de notre Fédération et j’espère que nos interlocuteurs de cet organisme partenaire en ont pris toute la mesure. J’ai aussi entendu vos propositions et vos requêtes que vous adressiez à Mme la Directrice à son invitation, toutes aussi pertinentes les unes que les autres, sans aucun doute, pour constater cependant que beaucoup d’entre elles touchaient directement à la vocation même de la FIPF, relevaient de son cahier des charges, que certaines initiatives avaient même déjà été prises ou prévues à ce propos. J’ai ainsi bien dû prendre conscience que, manifestement, la FIPF n’est plus actuellement en mesure de répondre de manière satisfaisante aux besoins et aux souhaits de ses associations, et surtout de les motiver à s’affilier ou à rester affiliées, à collaborer entre elles, et à attirer des jeunes en leur sein pour assurer au plus tôt la relève des anciens. Après un mandat de cinq ans à sa présidence, j’assume évidemment toute la responsabilité de cet état de fait.
Et qu’ai-je conclu de tout ceci après réflexion durant ces derniers jours ? Que c’est évidemment moi qui ai tort ! Non pas tort de n’avoir pas pu prévenir cette évolution, mais au contraire tort de vouloir la freiner aujourd’hui, alors qu’elle s’impose sans plus nous laisser d’alternative. Pourquoi vouloir conserver à tout prix une FIPF indépendante et souveraine, alors qu’il est peut-être désormais préférable que son réseau et ses activités soient absorbées et gérées par des partenaires devenus commanditaires qui pourront s’en charger dans de meilleures conditions. Et s’il reste du personnel à la FIPF, ils pourront se mettre directement au service de ces commanditaires, alors que seuls ils étaient voués à devoir trouver un emploi ailleurs. Et s’il reste des dirigeants à la FIPF, peu importe qu’ils n’aient plus qu’un statut symbolique et une fonction protocolaire, pourvu qu’ils puissent maintenir vivant l’esprit de notre Fédération, et souriant son visage, auprès des associations. De toute manière, nous n’avons pas le choix : les résultats négatifs de tous les efforts déployés cette année ont au moins le mérite de nous le confirmer. Comme j’ai commencé par le dire, la FIPF est à un tournant, pas devant un mur ! La transformation que nous n’avons pas réussi à mener à bien, les circonstances, la crise sanitaire et les pourvoyeurs de fonds la réussiront, même si ce n’est pas vraiment la même perspective que nous espérions.
Vous aviez raison sur un autre point: que j’avais tort de m’inquiéter ! Je suis maintenant convaincu que la FIPF pourra survivre… sous cette nouvelle forme ; c’est en tout cas ce que je lui souhaite, même si je suis content de l’avoir connue et défendue sous la forme qu’elle a eue jusqu’ici, plus fière, plus entreprenante, plus combative ! Je suis aussi convaincu que les prochains dirigeants de la FIPF, qui que ce soit, pourront faire preuve de l’esprit de conciliation, d’adaptation et de concession qui m’aurait certainement fait défaut pour permettre de manière fluide la mutation qui aura lieu incessamment, on nous l’a annoncé. Je me contenterai entretemps de gérer les affaires courantes, et peut-être de vous annoncer une bonne surprise au cas nos démarches produisent quelques effets positifs avant la fin de mon mandat.
Merci à toutes et à tous ! Longue vie à la FIPF
Réactions à l’exposé et réponses :
1. Comme prévu, quelques membres du BEE ont de nouveau accusé le Président de la FIPF d’être pessimiste, et d’annoncer de mauvaises nouvelles aux membres de l’Assemblée générale (voir la lettre du 15/02/2021). Le Président – ainsi que le Secrétaire général – ont dû de nouveau expliquer qu’il ne s’agissait pas de pessimisme mais de professionnalisme, et que le réalisme dont ils font preuve ne les a pas empêchés – au contraire – de multiplier les efforts pour éviter les difficultés mesurées à leur juste proportion, pendant que les optimistes attendent que les problèmes se règlent tout seuls, ou grâce aux autres !
Par ailleurs, le Président a insisté que le sens des responsabilités est aussi important que le sens des réalités quand on prétend présider au destin d’une fédération telle que la FIPF ou l’une de ses commissions, et qu’il est irresponsable de laisser croire aux présidents d’associations qui nous ont mandatés, que tout va bien, donc de leur mentir, sous prétexte de ne pas les inquiéter, alors qu’il faut au contraire les informer et les mobiliser davantage devant les défis communs. Il est aussi condamnable de vouloir garder la tête sous le sable devant le danger, que de jeter de la poudre aux yeux des autres !
2. D’autres membres du BEE ont évoqué la possibilité d’une autre interprétation, complaisance et compatissante, des propos de Mme la Directrice précitée. Le Président admet que toutes les interprétations sont toujours possibles quand il s’agit d’un texte littéraire – c’est le travail de la critique de les imaginer –, mais que les intentions de Mme la Directrice et de ses collaborateurs n’étaient certainement pas de faire de la littérature, et qu’à moins d’être sourds, ses propos étaient suffisamment clairs et précis, voire insistants, pour qu’on puisse avoir le moindre doute sur la signification à leur donner.
3. Ont suivi plusieurs remarques commençant toutes par « il n’y a qu’à… » qui toutes témoignaient soit du peu d’attention soit du peu de considération accordées à toutes les explications, à toutes les recommandations, à toutes les démarches, sans cesse réitérées, encore et encore, par le Président et l’actuel Secrétaire général – depuis leur entrée en fonction respective – pour tenter de convaincre un BEE d’actualiser la FIPF d’abord, et de la sauver de la banqueroute ensuite, quand il n’y avait plus rien d’autre à faire ! Mais le Président estime qu’il n’est plus temps de polémiquer, mais de passer au reste de l’Ordre du Jour.