12. Le retour au foyer

Il avait probablement lui aussi senti que notre relation s’était distendue au cours des derniers temps et qu’il risquait que je m’en aille, finalement, à force d’être ainsi laissée pour compte. Cela arrivait d’ailleurs de plus en plus souvent qu’il ne me trouve pas chez nous quand il rentrait tard, ou après une absence d’un ou deux jours. Cela l’inquiétait que je sorte le soir si longtemps. Pour aller où ? Et avec qui ? Il tentait alors de m’appeler à plusieurs reprises, mais je ne répondais pas. À mon retour, il me posait des questions que je préférais ignorer. Ce n’est pas que je sois possessive ou rancunière, mais je pensais qu’il fallait qu’il comprenne qu’une relation, ça se construit à deux. Bien sûr, ses responsabilités professionnelles sont contraignantes et l’obligent à travailler tard, à voyager à l’étranger quelques jours de temps en temps. Cela n’est pas vraiment un problème pour moi. Moi aussi, j’ai mes activités, et je suis au contraire heureuse qu’il réussisse ce qu’il entreprend, et que ses collègues et amis l’admirent pour cela. J’ai d’ailleurs beaucoup de plaisir à les accueillir à la maison, ils sont tous vraiment gentils à mon égard. Entre nous, je dois même dire qu’il y a un gars qui m’est très sympathique, qui cherche toujours à être à mes côtés, très prévenant, caressant même. Je me tiens bien sûr sur mes gardes ! Par contre, j’ai entendu une femme de son département lui dire en secret qu’elle ne me supportait pas dès qu’elle m’a vue à son arrivée. Au nom de l’hospitalité, je suppose, il m’a demandé d’aller faire un tour pendant qu’il réglait le problème. J’ai préféré les laisser passer la soirée entre eux pour ne pas faire de l’esclandre. Heureusement qu’elle n’était plus là quand je suis revenue ! Nous n’en avons plus parlé lui et moi, mais cela a tout de même jeté un froid entre nous. Il a essayé de m’amadouer par des mots doux et des gestes tendres, mais c’est difficile d’oublier une pareille humiliation. Il me reproche alors de bouder. Une capricieuse, moi !? Quelle mauvaise foi, alors que je ne lui demande finalement pas beaucoup : de l’attention, de l’affection, de la tranquillité, de temps en temps un bon petit plat. Tiens, voilà encore une source de dispute entre nous : mon embonpoint ! Il ne se passe pas un jour que le goujat ne fasse une remarque sur mon tour de taille et ne me reproche de grignoter les bonnes choses que nous avons au frigo. Mais si vous voyiez comme il s’empiffre depuis qu’il reste à la maison ; il est en train d’engraisser comme un cochon ! Bon, c’est un peu vrai que je devrais faire attention (j’ai d’ailleurs décidé de commencer un régime demain, juré !), mais je monte toujours les escaliers quatre à quatre, moi, alors qu’il est tout essoufflé, lui, quand il arrive à l’étage. Bref, vous avez compris que cela n’allait pas très bien entre nous, et que nous menions un peu notre vie chacun de son côté. Heureusement que tout a changé depuis qu’il a décidé, voici trois semaines, de rester davantage à la maison pour que nous puissions passer plus de temps ensemble. Je dois dire que j’ai beaucoup apprécié son sacrifice ; l’amour n’a pas de prix ! Désormais, il ne se réveille plus aussi tôt et il reste plus longtemps à lire au lit. Ce qui me permet de revenir le retrouver pour un câlin; il arrive même que je me rendorme à côté de lui. Nous déjeunons maintenant ensemble, nous regardons la télévision, nous jouons parfois (quand il insiste, parce que, moi, vraiment… !), il me parle beaucoup. En fait, il ressasse différentes questions que je ne comprends guère et qui ne m’intéressent pas du tout, en plus, mais je fais celle qui écoute et qui approuve pour le rassurer. Le sachant préoccupé, je sors moi-même le moins souvent possible, seulement lorsque que c’est vraiment nécessaire. Faute d’habitude, il tourne un peu en rond dans la maison ; je le suis alors d’une pièce à l’autre pour lui tenir compagnie. Quand il s’installe dans son fauteuil pour bouquiner ou pour faire la sieste, je ne tarde jamais à le rejoindre et à m’allonger à ses côtés. Sans qu’il doive me le dire, je sens quand ma présence peut le réconforter. Voilà, tout ça pour vous dire que nous nous sommes retrouvés, que notre relation va nettement mieux, qu’elle est repartie sur de bonnes bases. Bon, je vous laisse ; il doit être impatient : il déteste quand il n’y a pas un chat à la maison! Puis, c’est l’heure du nouveau feuilleton à la TV, « Corona virus » ; nous ne manquons aucun épisode.

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